Monsieur le Président,
Michel Rocard saluait hier dans les colonnes du journal Le Monde "l'inventivité inhabituelle de l'Union Européenne" dans la mise en place de son plan de soutien au secteur bancaire, ainsi que le talent de son Président en exercice, c'est-à-dire vous-même. M. Rocard soulignait également l'instabilité du capitalisme et des marchés financiers. Je crois qu'après les années de démesure financière que nous avons connues depuis 20 ans, il y a un mot qui devrait être l'objet de toutes les attentions lors des prochaines conférences mondiales du G20 que vous avez voulues, et dont la première se déroulera le 15 novembre. Ce mot est : "EQUILIBRE".
Je ne crois pas à la "fin du capitalisme" comme on peut le lire ici ou là depuis l'aggravation de la crise financière et sa diffusion à l'économie réelle. Je crois en revanche que le moment est venu, non pas de rebâtir le système financier mondial, mais de repenser le monde dans lequel nous souhaitons vivre. Pour reprendre les termes de Patrick Viveret que vous connaissez bien, nous vivons actuellement une triple crise : crise financière, crise écologique, crise de société. Il sera difficile de repenser l'un sans l'autre, et les sommets mondiaux que vous organisez sont l'occasion unique de réfléchir conjointement et de résoudre les trois crises sur le long-terme.
Pour guider votre réflexion, je propose de regarder du côté du biomimétisme, qui s'inspire de notre Mère à tous : la Terre. Tout autour de nous, les écosystèmes naturels démontrent depuis des millions d'années ce que "équilibre" signifie concrètement : à titre d'exemple, deux mécanismes clés sont les boucles de rétroaction et la circularité. Le premier mécanisme régule par exemple les populations de prédateurs et de proies, le deuxième stipule que les déchets de l'un sont les matières premières de l'autre. Des scientifiques s'attachent depuis plusieurs années à analyser et à comprendre ces équilibres pour les appliquer au fonctionnement de notre société. Deux d'entre eux, la pionnière américaine Janine Benyus (Biomimicry Institute), et Gauthier Chapelle (Biomim Greenloop), fondateur du mouvement en Europe, pourraient par exemple vous accompagner à ces sommets mondiaux. Ils pourraient vous aider à développer des réponses, notamment à la question suivante : "quels mécanismes biomimétiques pour le nouveau système financier mondial ?"
Face à la crise, il faut aller vite. Pour rebâtir le monde, il faudra du temps. Je suis certain que c'est ce double projet qui vous anime, et que vous saurez concilier les deux exigences.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, à l'expression de mes sentiments respectueux.
Thomas Canetti
Note : les gains éventuels liés aux annonces google seront reversés intégralement à des organisations de protection de la nature et de lutte contre le réchauffement climatique
jeudi 23 octobre 2008
Lettre à Nicolas Sarkozy : Le biomimétisme financier est-il possible ?
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3 commentaires:
Un problème dont les conséquences n'apparaîtront qu'à long terme peut-il être résolu par un système politique et économique dont
la vision ne dépasse guère la prochaine échéance électorale ou la prochaine publication de compte de résultat ?
Les origines de la crise financière sont connues depuis longtemps ; nombreux sont d'ailleurs les économistes nous ayant
prévenus. Il a fallu cependant attendre que les conséquences apparaissent au grand jour pour que nos instances dirigeantes
agissent.
Agira t-on efficacement et globalement pour l'écologie avant qu'il ne soit trop tard ?
Cher Ypi
Je crois que là encore tu mets le doigt sur LA question...
D'un côté, comme tu le soulignes, l'histoire de l'humanité abonde de cas où une civilisation n'a pas réagi avant d'être confrontée à la catastrophe. Ainsi les exemples, en vrac, des USA pendant la 2e guerre mondiale qui ne se sont engagés qu'après Pearl Harbor, de la crise financière comme tu le soulignes, de l'Afghanistan après 9/11, mais aussi le trou dans la couche d'ozone, etc.
Notre incapacité à agir en fonction de risques futurs incertains semble flagrante. Dans certains cas, réagir après la catastrophe est suffisant. Il "suffit" de mobiliser les énergies rapidement, et d'escompter des résultats non moins rapides. Ainsi les habitants d'une île du Pacifique, citée par J. Diamond mais dont le nom m'échappe, ont-ils collectivement décidé de tuer tous les porcs de leur île et de ne plus s'en nourrir, car ils ravagaient leur environnement. 2 facteurs ont permis cette décision me semble-t-il : 1/ la géographie de l'île qui rend visible immédiatement les limites environnementales ; 2/ le mode de décision qui fait la part belle à la sagesse des anciens.
A l'inverse, le climat est d'autant plus complexe que les phénomènes sont lents, quasi imperceptibles et dotés d'une forte inertie. Même en réduisant à 0 nos émissions demain matin, le climat continuerait à se réchauffer tout au long du XXIe siècle du fait de nos émissions passées... Notre civilisation est-elle capable d'agir préventivement à si grande échelle ? Honnêtement j'en doute un peu, et ce notamment aux contraintes politiques de la prochaine échéance électorale que tu cites.
A ce titre, une question hyper polémique pourrait être de savoir si cela est une limitation de notre civilisation ou de la démocratie. Cette dernière est formidable et loin de moi l'idée de prôner la dictature. Mais confronté à des enjeux comme ceux du climat, la Chine ne serait-elle pas plus à même de prendre des mesures drastiques si elle le souhaitait ?
Si tu ne l'as pas déjà lu, mon livre de référence sur le sujet est le dernier de Jared Diamond : Effondrement, dont tu trouveras le lien dans la rubrique "Lu et approuvé" sur la droite
A bientot cher Ypi
Thomas
Dans la mesure où il ne me semble pas que l'objectif du gouvernement chinois soit le bien être de son peuple mais plutôt la puissance de sa nation, je ne crois pas ;
Quant à la réaction américaine de Perl harbor (ou de 9/11), elle a été facilitée par la cohésion de la population. Sans cela, les américains auraient-ils pu aller en guerre ? (d'où d'ailleurs la légende qui dit que Roosevelt a laissé "attaquer" les japonais (en prenant soin d'éloigner ses portes avions -étrangement tous absents ce jour là- avant l'attaque niponne) pour permettre la déclaration de guerre. Les américains étaient fortement isolationnistes avant ..
Dans notre cas, pas certains que les texans veuillent arrêter la climatisation de leur voiture pour aller acheter leur bières.
En tout, cas effectivement la question peut-être posée. Dans la pratique, on ne connaitra jamais la réponse.
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