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jeudi 23 octobre 2008

Sauver la mer

Bonsoir

Pardonnez le calme de ce blog depuis 2 semaines, tout s'est enchainé, et notamment la naissance de mon fils que nous avons accueilli le 12 octobre !

Pour reprendre un peu d'activité sur un thème qui m'est cher, j'aimerais partager avec vous cet article paru dans le magazine Nouvelles Clés, dans lequel Patrice van Eersel et Marc de Smedt abordent le sujet ô combien crucial de la biodiversité marine...

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Qu’est-ce qui pourra sauver la mer ?
Paris, le 01/09/08

Mon cher cousin des champs,
De retour de Bosnie-Herzégovine, j’aurais mille choses troublantes et émouvantes à te raconter. Mais ce sera pour la prochaine fois, je voudrais aujourd’hui te parler d’une catastrophe plus générale - et avoir ton avis à ce sujet : le désert marin, ou plutôt sous-marin. Comme tout bon rat (je suppose que ça t’arrive aussi), j’aime plonger sous l’eau - moyen fabuleux pour échapper aux chats, qui aiment le poisson mais, par un extraordinaire coup du sort, détestent se mouiller. Eh bien, que les chats se rassurent : ils ne perdent plus rien à ne pas oser plonger, car sous l’eau, il n’y a plus personne à manger ! Cela faisait quelques années, en fait, que je n’avais plus sorti mon masque et mon tuba. J’ai été estomaqué. Aussi loin que j’aie pu nager, au large de Neum (la seule minuscule ville bosniaque sur la mer) et ensuite autour des îles de Croatie, il n’y avait pas un seul poisson dans l’eau - ou alors si petits qu’il aurait fallu une loupe pour vraiment les distinguer.

Je sais bien que je ne t’apprends rien. La mer se dépeuple, nous la pillons tels des prédateurs préhistoriques, plus personne ne l’ignore. Mais comme toujours, l’information ne nous atteint jamais autant que quand nous la prenons en pleine poire in situ ! (c’est pourquoi sans doute, à l’inverse, l’humanité reste froide et laisse faire tant d’horreurs auxquelles elle assiste en direct, mais par médias interposés). Oui, tu sais ça par cœur, toi qui habites tout près : la Méditerranée se transforme sous nos yeux en mer morte. Elle ne fut certes jamais aussi empoissonnée que l’océan, mais je me souviens, encore raton, dans les années 50, m’être émerveillé de l’aquarium fabuleusement vivant dans lequel mon père m’invitait parfois à plonger, à tel ou tel point de la côte entre Gibraltar et Ventimille ! Tout ça est mort à 90%. Pas encore à 100%, c’est vrai. J’avoue d’ailleurs ma stupéfaction de trouver encore, sur toute la côte dalmate - et même à Sarajevo - des poissonneries fort bien achalandées (et pas que de truites, qui sont là-bas succulentes). Les pêcheurs font des prouesses pour nous approvisionner. Ils pilleront la mer jusqu’à son dernier gramme de vie. Et nous les applaudirons sans doute crescendo, à mesure que ces denrées deviendront de plus en plus rares. Il y a là un cercle vicieux collectif qui fait penser à la malédiction de l’île de Pâques, dont les habitants ne purent s’empêcher de couper systématiquement tous les arbres, jusqu’au dernier - signant ainsi très explicitement leur suicide collectif.

À ces nouvelles, notre sentiment de citoyen planétaire s’insurge : « Mais que fait la police planétaire ?! » Que fait la communauté internationale ? L’ONU, la FAO, l’OMS, le Sommet mondial sur le développement durable, la Convention sur le droit de la mer... pour empêcher les marins-pêcheurs de finir d’exterminer les poissons - et nous empêcher nous-mêmes de manger leur butin ? C’est un sujet dont je me souviens avoir longuement parlé jadis avec Jacky Bonnemain, l’un des fondateurs de l’ONG Robins des Bois. Jacky était (il l’est peut-être toujours) à la fois écolo et rédacteur du journal du syndicat des pêcheurs. Cette double casquette lui donnait une vue panoramique de l’état des choses et le jetait dans des situations hyper inconfortables. Comme tu t’en doutes, il défendait avec acharnement la profession, si dure, des pêcheurs. Des hommes courageux, travaillant comme des bêtes pour un revenu souvent malingre. On connaît aussi leur détermination contre toute mesure visant à les contraindre, par exemple dans le cadre de l’Union Européenne. Ils vous fichent sans problème le feu à la ville (le parlement de Rennes y laissa la peau, tu t’en souviens). Et dernièrement, Speedy Sarko s’est sagement plié sous la menace des pêcheurs, après avoir pourtant promis qu’il leur imposerait le cahier des charges communautaire.

Bref, une sale affaire. Comment s’en sortir ? En viendrait-on à rêver d’un despotisme éclairé pour imposer une « dictature verte » ? Non, évidemment, ça ne marcherait pas et la situation ne ferait à coup sûr qu’empirer. Renoncer à terme à manger du poisson ? Même si la mine consternée que feraient les chats me réjouit le cœur d’avance, je refuse cette hypothèse : non seulement je me régale de tout pescadou, mais c’est une irremplaçable source d’éléments nutritifs. Alors ? « Le poisson d’élevage ! » vas-tu me répondre. Oui, bien sûr. Mais là deux choses : d’abord qu’il soit bio ! Tu as appris les terribles nouvelles concernant notamment le saumon d’élevage, nourri avec tant de saloperies qu’il vaut mieux s’en passer. Mais le plus embêtant, c’est qu’en devenant domestique, le poisson, comme tous les autres animaux, perd une grande quantité de ses éléments nutritifs, justement !

J’en étais là quand mon fils aîné est rentré de ses propres vacances, sur la côte lui aussi, mais en Pyrénées Orientales. Il revenait d’un stage de plongée. Essentiellement dans la réserve de Banyuls. Et ce qu’il m’a raconté m’a réchauffé le cœur. L’aquarium de mon enfance ! Toutes les espèces possibles de poissons, de mollusques, de crustacés, d’algues... Un sublime aquarium. Certes minuscule. Et littéralement entouré d’abrutis de pêcheurs amateurs, se vantant évidemment de leurs exploits sportifs : se tenir à la lisière de la réserve, où pêche et chasse sont bien sûr interdites, pour flinguer tous les êtres marins qui en franchissent la limite ! Constat humainement attristant, mais écologiquement positif : si l’on bloque toute prédation sur une certaine zone, la vie y revient en quelques décennies. Quelle conscience collective peut imposer le blocages de zones de plus en plus grandes ? That’s the question, mon cher cousin, que je salue chapeau bas.

Mon cher cousin des villes,
Excuse-moi, avec la rentrée je suis dans une bourre terrible, comme malheureusement beaucoup d’entre nous. Mais j’adhère à tout ce que que tu dis et au-delà : je crois que nous risquons d’avoir de vrais problèmes globaux de pénurie alimentaire dans les années qui viennent. Sinon la solution préconisé de développer les réserves marines me semble d’autant plus évidente qu’il m’arrive de me baigner près de Marseille, à Carry le rouet, où existe une réserve de poissons sauvages bien protégée et c’est une joie de pouvoir se baigner alentour au milieu de ces rutilantes créatures marines : ce qui signifie bien qu’il suffit de préserver la bio-diversité pour qu’elle se repeuple. Mais pour cela il faut aussi une réelle volonté politique : il serait temps que nous l’ayons !

je te souhaite, à toi et à tes proches, une belle rentrée.
© Patrice van Eersel / Marc de Smedt
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Force est de constater que le marché des produits de la mer durable reste très en retrait des niveaux d'intérêt et de consommation des fruits et légumes bio (ca y est ça décolle) et des produits issus du commerce équitable (café, chocolat, etc)...

Au plaisir de vous lire...
Thomas

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